hebdomadaire et nos rapports
Diaspora et discours artistique mondial - Art Africain 2016
Osei G. Kofi
Ernest Dükü (né en 1958)
Entre nous histoire elle court, 2003
techniques mixtes 91x62x5 cm
courtesy de l’artiste
Julia Grosse & Yvette Mutumba
co-fondateurs de Contemporary And
Nous avions en tête le scénario idéal selon lequel les visiteurs entreraient dans l’espace Focus, qui était relié à une autre salle, sans se rendre compte qu’ils entraient dans une section consacrée à l’art de l’Afrique. Nous voulions qu’ils voient des œuvres réalisées principalement par de très jeunes artistes et qu’ils n’y discernent pas quelque chose de typiquement africain. Aucun indice ne subsistait, comme des masques ou des motifs typiques. À en juger par les réactions que nous avons constatées, les gens ont compris qu’il n’y a pas d’art africain, mais qu’il en existe de nombreux styles et approches.
Outre les galeries mettant en avant de très jeunes artistes contemporains, nous en avons inclus deux autres, la Vigo Gallery et la October Gallery à Londres, présentant des maîtres plus anciens : l’artiste soudanais Ibrahim El-Salahi (né en 1930) et Aubrey Williams (né en 1926 et décédé en 1990). Ce fut un honneur pour nous de voir leurs galeries accepter de participer, car les pièces de ces artistes se montent à plusieurs centaines de milliers de dollars. La raison pour laquelle nous les avons inclus c’est qu’à C& nous tenons à dire que l’art contemporain d’Afrique et de la diaspora n’est pas né de la dernière pluie. Les histoires africaines sont diverses et l’art moderne y existe depuis des décennies. Les galeries présentant de jeunes artistes trônaient au milieu de l’espace, épaulés par les vieux maîtres de chaque côté.
Une peinture d’El-Salahi a atteint presque 1 million de dollars. Certains musées ont également investi dans d’importantes acquisitions. Par exemple, le projet Blank, au Cap, a vendu la totalité de son stand consacré à l’artiste sud-africaine Turiya Magadlela. Le Studio Museum de Harlem, à New York, a acquis une pièce de Turiya Magadlela.
Comment les visiteurs ont-ils réagi à la collection Focus ?
Les visiteurs ont été surpris de découvrir des œuvres qui leur étaient inconnues, comme des photographies et peintures réalisées par de jeunes artistes qui ne correspondaient pas à leurs attentes vis-à-vis des perspectives africaines. Les artistes n’étaient pas de grands noms du monde de l’art, et leurs œuvres pas stéréotypées. Surprenant pour des visiteurs noirs américains de voir autant d’art africain et de la diaspora en Europe dont ils n’avaient pas connaissance, alors qu’ils avaient si souvent vus les œuvres de certains des artistes noirs américains très importants et archi-connus. Tout le monde connaît El Anatsui mais on avait là une excellente plateforme pour présenter la jeune génération à des collectionneurs potentiels.
Les galeries Addis Fine Art, d’Addis Abeba en Éthiopie, et la galerie Omenka, de Lagos au Nigéria ont toutes dit que ça avait vraiment valu la peine parce que, normalement, elles n’ont pas les moyens de participer à une foire artistique comme l’Armory, alors qu’elles ne demandent qu’à être vues et à présenter leurs artistes. Une galerie basée à Seattle, Mariane Ibrahim Gallery, qui faisait partie de « Focus : Perspectives africaines », a été cette année autorisée à participer à la foire principale et a remporté le prix du meilleur stand, ce qui nous a fait grand plaisir.
C’est formidable pour des artistes qui n’ont pas, d’habitude, la chance d’être exposés en Europe ou aux États-Unis. Mais l’intérêt dont ils bénéficient est lié à une tendance : il y a quelques années, il n’y en avait que pour l’Inde, puis on ne parla plus que de la Chine et la prochaine fois peut-être ce sera au tour de l’Australie. Or, chez C&, la vision de notre travail est durable, à long terme. Le problème d’accoler cette étiquette « art africain » sur tout, c’est que ce sont toujours les mêmes noms qui ressortent.
Si vous parlez à de jeunes artistes travaillant à Nairobi ou Johannesburg, ils ne rêvent pas de se voir enfin exposés à Londres. Ce n’est plus tendance ; alors que c’était le top pour des artistes qui ont la cinquantaine aujourd’hui et qui vivent en Belgique ou à Londres. La jeune génération s’intéresse au travail sur le terrain, dans leurs propres villes, en créant des espaces d’art ou des programmes en résidence. Fini le temps où l’Europe et le monde de l’art occidental étaient le paradis et l’objectif le plus ambitieux. On ne se dit plus « une fois que j’aurais réussi à Londres ou à New York, je serai enfin devenu un artiste digne de ce nom ».
Les jeunes artistes ont souvent la possibilité de voyager et de travailler en résidence à New York ou Rotterdam, ou de séjourner un an à Berlin. Au cours de ces dix dernières années, ils ont eu tendance à revenir travailler sur la scène artistique de leur propre ville et à reconnaître qu’il se passe beaucoup de choses ailleurs qu’à Berlin et Londres. Un artiste ghanéen aura une exposition à New York, mais il retournera ensuite à Accra pour y établir son infrastructure artistique. Nous étions au Congo en mai, où nous avons parlé à un peintre très connu, dans la soixantaine. Il nous a dit : « Déménager à Paris, très peu pour moi : mon infrastructure et mes collègues sont ici ; je vais bientôt lancer un programme en résidence et construire une maison dans le jardin, pour y accueillir des artistes d’autres villes africaines ». Vous voyez, les jeunes ne sont donc pas les seuls à vouloir rester sur le terrain au lieu de s’exiler en Europe.
Nous venons de publier notre premier livre, qui reprend quelques-uns des reportages publiés sur C& au cours des quatre dernières années. La dernière édition imprimée de notre magazine, qui porte sur l’éducation, a été lancée en juin, en collaboration avec la Documenta. Nous animons également des ateliers d’écriture critique ; le troisième aura lieu en septembre à Harara, au Zimbabwe. L’année prochaine, nous lancerons une extension de C&, qui se concentrera sur la relation entre Afrique et Amérique du Sud.
Tumelo Mosaka
Curateur
Mimi ErrOl
Journaliste
Mustapha OrIF
Marchant d’art
Le marché de l’art algérien a débuté au milieu des années 1980 grâce à deux galeries algériennes :
lionel ManGa
Critique d’art
nII anDrEWS
Critique d’art
L’EFFET / L’INFLUENCE DE LA DIASPORA AFRICAINE SUR L’ART CONTEMPORAIN GHANÉEN
Cette lacune est inacceptable dans le contexte du rôle présumé du Ghana comme précurseur en Afrique. Des initiatives privées ont toutefois été prises pour collecter, promouvoir et présenter l’art contemporain ghanéen.
Citons par exemple le Loom, l’Artists Alliance Gallery, la Dei Foundation et ARTcapital Ghana. Ces institutions bénévoles présentent en permanence de superbes collections d’œuvres d’art ghanéennes contemporaines et des pièces sont toujours disponibles à la vente.
Enfin, la valeur de prestige (ou, si vous préférez, le « facteur cool ») de la possession d’œuvres d’art africain contemporain ne passe pas inaperçue au Ghana, ni dans la liste croissante de millionnaires et peut-être de milliardaires africains. En outre, ce groupe a montré qu’il était suffisamment avisé pour réaliser le potentiel d’investissement d’un tel actif. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a dix ans à peine, les facteurs susmentionnés n’étaient appréciés que par un petit groupe de connaisseurs au Ghana et dans la diaspora, groupe qui ne cesse de s’élargir.
Espérons qu’il ne s’étendra pas au nombre important de spéculateurs qui ont provoqué des remous et une surchauffe sur les marchés de l’art contemporain occidentaux et asiatiques.