Recevez gratuitement notre newsletter
hebdomadaire et nos rapports

Marché Art Africain 2014 - Afrique australe

Le marché le plus mature en art contemporain africain est l’Afrique du Sud, ce qui reflète à bien des égards la stabilité de son économie. Le pays compte une multitude d’ateliers d’artistes collaboratifs, d’espaces gérés par des artistes, d’écoles et d’universités pour artistes et historiens de l’art, de galeries d’art anciennes et récentes, de collections privées et de musées ultramodernes. Au cours des vingt dernières années, un nombre toujours plus important d’artistes et de critiques sud-africains ont obtenu une reconnaissance internationale.

L’Afrique du Sud fut très remarquée à la 55e Biennale de Venise en 2013

L’Afrique du Sud fut très remarquée à la 55e Biennale de Venise. Outre le pavillon sud-africain dont le commissaire était Brenton Maart, les photographies de Santu Mofokeng étaient exposées à côté des œuvres d’Ai Weiwei dans le pavillon allemand. En outre, le prix Nobel sud-africain John Maxwell Coetzee était le commissaire du pavillon belge, consacré à l’artiste flamande Berlinde De Bruyckere.
La scène artistique sud-africaine a commencé à s’épanouir à l’époque de l’apartheid et a explosé dans les années 1990. En 1995, la première biennale de Johannesburg, Africus, organisée par Lorna Ferguson et Christopher Till, symbolisa ce passage à l’âge adulte au niveau international. Aujourd’hui, une génération d’artistes confirmés tels que William Kentridge, David Goldblatt, Marlene Dumas, Candice Breitz, Kendell Geers et Irma Stern partagent la vedette avec de jeunes prétendants tels que Zanele Muholi et Billie Zangewa.

Le marché le plus mature pour l’art
contemporain en Afrique est
l’Afrique du Sud, ce qui, à bien des égards reflète la stabilité de son économie.

Le système institutionnel sud-africain est basé sur le modèle européen où l’État soutient les arts. Malheureusement, la récente récession économique a vu se raréfier le soutien public et s’effondrer plusieurs galeries d’art, écoles d’art et organisations à but non lucratif.
En conséquence, les galeries commerciales se sont beaucoup plus impliquées dans le soutien à la production artistique, aux expositions dans les musées et aux catalogues. La plus ancienne galerie commerciale est Everard Read (fondée à Johannesburg en 1913). Elle expose des artistes modernes et contemporains très connus comme Irma Stern, Jacob Heindrik Pierneef et le photographe Zwe lethu Mthethwa. La Goodman Gallery fut fondée en 1966 par la militante et philanthrope Linda Goodman. Aujourd’hui détenue par Liza Essers, la galerie représente plus de 40 artistes sud-africains et internationaux et participe à des foires d’art, notamment Art Basel et Art Basel Miami Beach, depuis 2003. La Stevenson Gallery, la Gallery MOMO, Brundyn+, WhatIfTheWorld et Blank Projects constituent la jeune génération de galeries d’art contemporain lancées en 2000-2010.
Des œuvres des XIXe et XXe siècles jusqu’à l’art contemporain se trouvent à la Graham’s Fine Art Gallery, tandis que David Krut Projects comprend un atelier expérimental d’estampes, une librairie et un espace de galerie. Cette scène commerciale contribue à conseiller un nombre croissant de collectionneurs en Afrique du Sud.
Outre les marchands d’art et les galeries, les sociétés d’enchères locales – principalement Stephan Welz & Company Limited et Strauss & Co – couvrent le marché secondaire. Fondée en 1968 par Stephen Welz, puis revendue, Stephan Welz & Co est la plus ancienne société d’enchères d’Afrique du Sud, avec des salles de vente au Cap et à Johannesburg. Elle a atteint plusieurs prix records pour des artistes sud-africains, dont William Kentridge, Ephraim Ngatane et Cecil Skotnes.

Deux foires d’art « boutique », FNB Joburg Art Fair et Cape Town Art Fair, sont également les locomotives du marché de l’art moderne et contemporain.

Deux foires d’art de très petite taille, FNB Joburg Art Fair et Cape Town Art Fair, sont également les locomotives du marché de l’art moderne et contemporain. Parmi les autres foires, citons Design Indaba, consacrée au design, et Turbine Art Fair, qui se concentre sur les œuvres d’art plus abordables (moins de 30 000 rands ou 2 600$US). La toute dernière initiative est That Art Fair, une foire d’art axée sur un public et des collectionneurs plus jeunes, qui sera lancée en 2015 aux côtés de Cape Town Art Fair.
Les collections privées et d’entreprise montrent la force du secteur privé de l’art en Afrique du Sud. Le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA) ouvrira ses portes au V&A Waterfront, au Cap, en 2017. Il s’agit d’un partenariat public-privé de 120m$ US entre le collectionneur allemand Jochen Zeitz et le V&A. Elle s’étendra sur les neuf étages du bâtiment historique Grain Silo, redessiné par l’architecte britannique Thomas Heatherwick. Jo chen Zeitz engage sa collection à perpétuité, prend en charge les frais de fonctionnement du musée et fournit un budget d’acquisitions. Mark Coetzee, directeur exécutif et conservateur en chef du Zeitz MOCAA (ancien directeur de la Rubell Family Collection à Miami), indique que les fonds ont été réunis en six semaines et annonce que la collection permanente se constitue au rythme de 80 à 150 acquisitions par mois.
La Spier Collection est une autre vaste collection privée et un acteur dynamique de la scène artistique sud-africaine. À plus petite échelle, citons le New Church Museum, ouvert en 2012 grâce au collectionneur d’art Piet Viljoen, qui a engagé à perpétuité sa collection de 400 œuvres. Gordon Schachat, homme d’affaires et collectionneur d’art sud-africain, a également l’intention d’ouvrir un musée privé dans un avenir proche.
Seize universités du pays proposent un enseignement artistique de niveau master et doctorat. Elles disposent souvent de leurs propres espaces d’exposition, notamment la galerie d’art de l’université de Johannesburg et la Substation de la Wits School of Arts à l’université du Witwatersrand, Johannesburg. Une pléthore d’organisations à but non lucratif stimulent les communautés d’arts visuels des plus grandes villes. Elles encouragent le professionnalisme et fournissent des espaces studio, des programmes de résidence et des ateliers.
Les musées les plus importants vont de la Johannesburg Art Gallery, fondée en 1910, au tout récent Museum of African Design (MOAD). Ce dernier est un espace d’exposition et de performance multidisciplinaire installé dans un entrepôt d’usine de 1500 mètres carrés datant des années 1920 – aux plafonds de 15 mètres de haut –, avec un atelier sur site pour favoriser les collaborations entre artistes et artisans.
Si l’Angola est moins doté de structures artistiques que l’Afrique du Sud, sa capitale possède l’une des plus grandes collections d’art africain sur le sol africain. La Fondation Sindika Dokolo a été créée en 2004 à Luanda (Angola), par l’homme d’affaires et amateur d’art dano-congolais Sindika Dokolo et l’artiste angolais Fer nando Alvim. L’objectif de la ‘Collection Africaine d’Art Contemporain Sindika Dokolo est de maintenir l’art africain sur le continent africain. En 2005, Sindika Dokolo a acheté la collection du collectionneur allemand Hans Bogatzke, qui constitue aujourd’hui un quart de sa collection. La fondation collabore avec des musées occidentaux pour accroître la visibilité des pays africains à l’étranger. La collection a été présentée dans plusieurs foires et expositions internationales, comme l’exposition itinérante ‘Africa Remix’ entre 2004 et 2007 et le pavillon africain de la Biennale de Venise en 2007.
Afrique du Sud
Focus

Spier Arts Trust
Afrique du Sud

Spier est un domaine viticole primé, situé à 50 km du Cap et appartenant à la holding d’investissement Yellowwoods. Depuis 1996, le principal investissement social communautaire du groupe a été réalisé dans les arts visuels et les arts du spectacle. Spier possède l’une des plus vastes collections d’art contemporain d’Afrique du Sud, exposée dans les locaux du groupe sur la base d’une rotation annuelle. La Spier Arts Trust a pris plusieurs initiatives, dont la Spier Arts Academy (directrice fondatrice : Jeanetta Blignaut), le projet Creative Block et Spier Films, qui visent toutes à soutenir la communauté artistique d’Afrique du Sud. Son Programme de Mécénat d’Artistes apporte un soutien aux créateurs sur une période de quatre ou cinq ans, afin de leur donner l’occasion de s’exprimer sans entraves. Parmi les artistes sélectionnés, citons Wim Botha, Paul Emmanuel, Tamlin Blake and Berco Wilsenach.
Interview

Fred Scott, Stephan Welz & Co.,
Afrique du Sud

Le Dr Fred Scott, spécialiste de l’art modern et contemporain, est à la tête du département des beaux-arts chez Ste phan Welz & Co.
« Depuis toujours, l’Afrique du Sud constitue la plaque tournante du marché de l’art en Afrique. La richesse créée par les premières mines de diamant et d’or a donné naissance la culture de la collection d’art en Afrique du Sud. Outre quelques galeries d’art et sociétés d’enchères dans le pays, l’ouverture des bureaux de Sotheby’s à Johannesburg en 1968 a stimulé la collection d’œuvres d’art auprès du public sud-africain. L’art sud-africain contemporain est traditionnellement vendu dans les galeries d’art et, depuis peu, dans les foires d’art du Cap et de Johannesburg. Des galeries telles que Goodman, Stevenson, WhatIfTheWorld, MOMO, Afronova et Christopher Møller s’impliquent activement pour introduire en Afrique du Sud les œuvres d’artistes contemporains du continent africain. Bien qu’opérant sur le marché secondaire, les grandes sociétés d’enchères comme Stephan Welz and Co, Strauss and Co, ainsi que Bonhams au Royaume-Uni, s’approvisionnent résolument en art africain contemporain et en font la promotion danse promeuvent en le publiant dans leurs catalogues. Outre les achats effectués dans les galeries du continent africain, les transactions directes avec les artistes via Internet créent également des opportunités pour les collectionneurs.

« Depuis toujours, l’Afrique du Sud constitue la plaque tournante du marché de l’art en Afrique. La richesse créée par les premières mines de diamant et d’or a donné naissance à la culture de la collection d’art en Afrique du Sud. »
Fred Scott

Pour que le marché se déplace vers le Nigeria, il faudrait que s’affirme la stabilité économique de cette région. Les troubles politiques et religieux pourraient également constituer des pierres d’achoppement, empêchant le Nigeria de prendre le leadership de l’art africain contemporain.
Quelles pourraient être les principales menaces pour l’avenir du marché de l’art contemporain africain ?
La création d’une bulle déconnectée du terrain – lorsque des œuvres sans réelle qualité artistique sont poussées sans discernement sur le marché pour surfer sur l’engouement actuel pour l’art contemporain africain – pourrait nuire sur le long terme à la valeur marchande d’un artiste. Pour contrer cela, il est urgent de tenir compte des conseils de galeries et de conservateurs réputés si l’on doit maintenir la confiance en la valeur et l’excellence de l’art émanant d’Afrique. On peut se demander si l’épidémie d’Ebola et la peur qui l’entoure pourraient devenir un frein, entravant les ventes, la croissance et le mouvement de l’art hors d’Afrique.
Quels sont (le ou) les événements les plus importants pour le marché de l’art contemporain africain en 2015 ?
L’année 2015 s’ouvre avec le 3e Cape Town Art Fair organisée par le principal groupe mondial d’exposition, Fiera Milano. Les foires de Johannesburg et du Cap, ainsi que la 1:54 Contemporary African Art Fair du Royaume-Uni, promettent d’offrir davantage de passionnantes œuvres d’art contemporain africain.
Dans le sillage du nouveau musée de la Fondation Zinsou à Ouidah, au Bénin, consacré à l’art africain contemporain en Afrique subsaharienne, a été annoncé au Cap le lancement du Zeitz Museum of Contemporary African Art. Avant son ouverture en 2016, une sélection d’œuvres de la collection Zeitz sera présentée dans un espace d’exposition temporaire à proximité du nouveau musée. Tant d’exaltante effervescence permettra sans doute de mieux faire connaître l’art africain contemporain sur le continent.
Quel est le volume des transactions sur le marché de l’art contemporain africain ? Pourquoi est-il encore faible par rapport à d’autres marchés émergents comme le Moyen-Orient, l’Amérique latine et la Chine ?

“It was recently announced that the Nigerian economy became Africa’s largest economy and portions of the newly created wealth is being channelled towards purchasing contemporary art. This is evident from the 22% growth in art sales.”Fred Scott

On annonce depuis quelques temps que l’économie nigériane est devenue la plus grande économie d’Afrique et qu’une partie de la richesse nouvellement créée est canalisée vers l’achat d’art contemporain. La croissance de 22% des ventes d’art en est la preuve. L’art nigérian suscite un intérêt croissant dans d’autres pays que le Nigeria.  
Même si le marché de l’art sud-africain est estimé à environ 150m$US, il ne représente qu’une très petite fraction du marché mondial. Le marché de l’art nigérian se trouve dans une situation similaire. Une culture de collection peu développée et l’idée que la collection d’art est élitiste et réservée aux riches, contribuent à restreindre la taille de ces marchés.
Les ventes réalisées par Bonhams en Afrique en mai 2014 ont permis de récolter 1,9million$, soit une hausse de 47% par rapport à 2013. Selon le rapport Art et Finance 2014 de Deloitte, l’augmentation des personnes fortunées, ainsi que la croissance du marché de l’art africain, ont créé une nouvelle génération de collectionneurs africains qui acquièrent l’art comme allocation d’actifs. Dans ce marché en croissance, apparaissent des possibilités pour une future industrie de l’art et de la finance. Selon les spéculations, le marché de l’art nigérian devrait, dans les 12 prochains mois, concurrencer le marché de l’art sud-africain, mieux établi.
Interview

Emma Bedford, Strauss & Co,
Cape Town, Afrique du Sud

Emma Bedford est spécialiste en chef de l’art chez Strauss & Co, la principale maison de vente aux enchères de beaux-arts d’Afrique du Sud, située au Cap.
« Il est impossible de quantifier le rythme de la croissance du volume des transactions sur le marché de l’art moderne et contemporain africain, car nous ne disposons pas de statistiques sur tout le continent où, dans de nombreux pays, les galeries et les maisons d’auc tion sont florissantes. Cependant, nous savons qu’en 2014, Strauss & Co a pris le leadership du marché secondaire de l’art moderne et contemporain, ayant obtenu 52,2% du marché, contre les 34,2% de son plus grand concurrent Londresien et les 13,6% de son plus grand concurrent local. Avec quatre enchères publiques par an, soit au Cap, soit à Johannesburg, le chiffre d’affaires annuel de Strauss & Co est de l’ordre de 200m de rands (17,3m$)
Si ce chiffre ne semble pas très élevé par rapport à d’autres marchés internationaux, il ne fait aucun doute que l’intérêt pour l’art africain contemporain croît de manière exponentielle, car les collectionneurs locaux et internationaux lorgnent vers ce marché avec convoitise.
Les économies africaines devraient connaître un essor considérable, ce qui laisse entrevoir les perspectives offertes par ce que d’aucuns appellent le « lion africain », à l’instar du « tigre asiatique ». Cette prospérité croissante s’accompagne du désir de diversifier les actifs et d’investir dans la culture. On relève une soif d’art contemporain alimentée par les intérêts et les passions d’une nouvelle génération de collectionneurs.
Un certain nombre de facteurs importants contribuent à accroître l’attrait d l’art africain contemporain. La globalisation galopante a multiplié les possibilités de voyage et d’échange d’idées. On se définit comme citoyen du monde : on fréquente des Documentas, des biennales et des foires d’art aux quatre coins du monde. Des artistes, des conservateurs et des intellectuels d’origine africaine étudient, vivent et travaillent à l’étranger, souvent à des postes clés. Rappelez-vous que c’est une artiste sud-africaine, Marlene Dumas, qui a obtenu le prix le plus élevé jamais payé pour une artiste féminine vivante lors d’une vente aux enchères, lorsque sa toile, The Teacher (Sub A), 1987, a atteint 3,34 m$ en 2005.

« En 2014, Strauss & Co a pris le leadership du marché secondaire de l’art moderne et contemporain, ayant obtenu 52,2% du marché du marché, contre les 34,2% de son plus grand concurrent Londresien et les 13,6% de son plus grand concurrent local. »
Emma Bedford

Des intellectuels africains de premier plan, tels que Okwui Enwezor, jouent un rôle essentiel dans la définition de notre compréhension de l’art contemporain.
Tous les regards se tournent vers le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa (Zeitz MOCAA) qui, sous la direction de Mark Coetzee, directeur exécutif et conservateur en chef, redéfinira l’art africain contemporain pour le public local et mondial grâce à des expositions au V&A Waterfront du Cap et à des tournées internationales. Conçu par l’architecte Londresien Thomas Heatherwick, le bâtiment sera inauguré fin 2016 et l’ouverture officielle aura lieu au début de 2017. Cependant, des expositions d’avant-garde ont déjà lieu dans le pavillon Zeitz MOCAA et ses environs, avant-goût de ce que l’art contemporain est en train de nous préparer.
La pointure des artistes africains et la qualité de leur art ont entraîné une croissance phénoménale de l’intérêt pour l’art et les artistes africains contemporains, depuis leur inclusion dans les grandes expositions des musées et des galeries jusqu’aux enchères internationales publiques et privées.
Les enchères publiques de Strauss & Co inspirent une confiance accrue dans le marché de l’art africain moderne et contemporain, car les collectionneurs ont conscience de l’existence d’un marché secondaire solide pour les œuvres de qualité dont le pédigré, l’historique des expositions et la documentation sont impeccables. La croissance exponentielle du marché sud-africain de l’art contemporain au cours des dernières années a permis de faire atteindre des prix records à une sculpture rare de Jane Alexander (5,5m de rands/ 513 970$US), une sculpture importante de Wim Botha (966 280 de rands/90 300US$), une peinture composite de Robert Hodgins (1.8m de rands/ 168 210US$), deux dessins récents de William Kentridge (4,1m de rands/ 383 140 US$ et 3,1m de rands/US$ 289 690), une sculpture de Sydney Kumalo (1,4 million de rands/US$ 130 830), un dessin au pastel de Penny Siopis (668 400 rands/US$ 62 460) et une sculpture de Lucas Sithole (946 900 de rands/ 88 490 US$). Pour renforcer la confiance du marché, la plupart de ces artistes ont enregistré un taux de vente effectives de 100 %.
Des artistes plus jeunes comme Kudzanai Chiurai, né au Zimbabwe, et Nandipha Mntambo, née au Swaziland, ont également obtenu de bons résultats, tandis que Julie Mehretu, née en Éthiopie et installée aux États-Unis, a vu un collectionneur avisé emporter toutes ses œuvres proposées. Quasiment toutes les œuvres d’art mises aux enchères par Strauss & Co sont l’œuvre d’artistes nés ou basés en Afrique et environ 95 % ont été produites entre le milieu du XXe siècle et aujourd’hui ».
Interview

Musha Neluheni, Johannesburg Galerie d’Art,
Afrique du Sud

Musha Neluheni est le conservateur des collections contemporaines de la Johannesburg Art Gallery.
La galerie d’art de Johannesburg possède environ 10 000 pièces dans ses collections. Les quatre principales sont la collection historique, la collection contemporaine, les estampes et les œuvres sur papier, outre la collection traditionnelle d’Afrique australe. Nous avons des collections mineures de céramiques et de textiles. La politique des collections de la Galerie d’art de Johannesburg se concentre actuellement sur les œuvres traditionnelles et contemporaines d’Afrique australe. Nous faisons cependant des exceptions pour les pièces d’importance historique, si l’artiste risque d’être absent de la collection.
Nous organisons généralement au moins quatre expositions par an qui puisent dans notre collection, et le reste des expositions présente des artistes contemporains sud-africains et internationaux.
Nous exposons des artistes du monde entier si nous trouvons un accord suite à leur proposition. Nous n’achetons cependant que de l’art moderne, contemporain et traditionnel africain. Ceci afin de corriger les déséquilibres du passé où très peu d’art africain était acheté.
Nous sommes un musée d’État, notre cible est donc le grand public. Le musée a été légué à la ville de Johannesburg et à ses habitants ; nous sommes donc un musée public gratuit ouvert à tous. La réaction du public aux expositions diffère selon la diversité des publics. Certains préfèrent la collection Historique, notamment les écoles, car ces œuvres sont à leur programme. Mais les jeunes professionnels préfèrent l’art contemporain. Nos visiteurs étrangers apprécient les collections traditionnelles d’Afrique australe. Johannesburg est une ville très cosmopolite avec un public aussi diversifié. Nous essayons donc d’être représentatifs de toutes nos collections à un moment donné.
Je pense que l’exposition d’une collection est un moyen de promouvoir la culture en Afrique. Toute activité culturelle d’un pays, qu’il s’agisse d’art, de danse ou de théâtre, contribue à y promouvoir la culture.
Le continent africain a une longue histoire culturelle, bien enracinée et antérieure à la plupart des civilisations modernes. Je pense que les pays africains commencent à redécouvrir cette histoire et se l’approprient. Pendant longtemps, les artistes africains prenaient l’Occident comme référence de leur expression culturelle, mais nous avons constaté un revirement. Les artistes africains se tournent désormais vers l’intérieur pour trouver une expression authentiquement africaine, et réinventent le paysage culturel africain.
« Je suis très heureux que l’Afrique du Sud et d’autres pays africains soient à nouveau présents à la 56e Biennale de Venise. C’est un grand honneur pour nos artistes sud-africains, tant jeunes que confirmés, de pouvoir exposer sur de grandes plateformes internationales. Non seulement ces artistes acquièrent de l’expérience, mais ils présentent au monde entier la profondeur et l’étendue de la culture africaine ».
Angola
Interview

Sindika Dokolo, collectionneur,
Angola

Le collectionneur d’art et homme d’affaires Sin dika Dokolo est né à Kinshasa en 1972. Basée à Luanda, en Angola, la Fondation Sindika Dokolo s’est efforcée de mettre en œuvre des mécanismes culturels, économiques et politiques en faveur du développement de l’art africain contemporain. La fondation a promu des événements culturels et des festivals à Luanda, produit la première Triennale de Luanda et organisé le premier pavillon africain à la 52e Biennale de Venise.
« J’ai commencé à collectionner dès mon plus jeune âge, grâce à mes parents. Sans être des collectionneurs compulsifs, comme je le suis devenu, mes parents ont toujours eu un goût incontestable et éclectique. J’ai grandi entouré d’objets provenant de différents univers. Chez nous, les tableaux de Degas côtoyaient les statues en pierre du royaume Kongo Ntadi du XVIIIe siècle, la porcelaine de la dynastie Ming et les pièces de design américain des années 1950. Ils n’avaient aucun état d’âme à mélanger des bergères Louis XV [fauteuils français rembourrés] avec des tables basses scandinaves. Ce qui comptait, c’était la qualité intrinsèque de chaque objet et un sens esthétique sûr pour associer les pièces de manière cohérente et belle. J’avais probablement environ 10 ans lorsque mon père m’a offert ma première œuvre d’art, qui était une hache cérémonielle anthropomorphique Tshokwe angolaise, et il m’a encouragé à regarder, toucher et apprendre. Avec mes quatre enfants, (ils ont entre 14 et 6 ans), chacun a reçu une œuvre que je pensais correspondre à son caractère et à ses goûts. Les enfants devraient avoir la possibilité de s’intéresser à l’art dès leur plus jeune âge, tout comme ils devraient être exposés à une langue étrangère à un âge où l’apprentissage ne demande que peu d’efforts.
J’ai conservé environ 400 pièces de la collection Hans Bogatz que j’ai acquise il y a 12 ans. J’ai acheté environ 1 500 œuvres de la collection photographique de La Revue Noire en 2010 et, au cours des dix dernières années, j’ai acquis, coproduit et commandé de nombreuses œuvres. Je ne regarde pas à la dépense, car je pense qu’une collection ne saurait être appréciée pour le nombre de ses œuvres, mais plutôt pour sa pertinence contextuelle. Depuis plus de dix ans, la collection m’obsède et me fascine ; j’ambitionne de la voir illustrer l’art sur le continent africain à l’aube du XXIe siècle, de manière sensible et intelligente.
L’exposition « Magiciens de la Terre » a mis le feu au marché de années 1990. Le marché est en croissance constante et il est important qu’il se développe de manière structurelle et non simplement, c’est-à-dire seulement en s’engouffrant dans les tendances. Nous avons désespérément besoin de davantage de collectionneurs africains ou même d’acheteurs occasionnels, afin de donner au marché une base solide sur laquelle se développer et s’étendre. La 52e Biennale de Venise a surtout eu un impact sur les conservateurs et les jeunes artistes africains et a contribué à un générer entiment général de confiance et d’estime de soi.

« L’exposition Magiciens de la Terre a mis le feu au marché de années 1990 ».
Sindika Dokolo

Ma fondation en faveur de l’art dispose d’un comité d’acquisition informel composé du conservateur camerounais Simon Njami, basé à Paris, et de l’artiste et conservateur anglosaxon Fernando Alvim. Nous sommes tous amis depuis longtemps et nos goûts correspondent souvent, ainsi que notre opinion des nouveaux artistes. Je travaille également avec Eve Therond, consultante en art, basée à New York. Elle voyage dans le monde entier à la recherche de nouveaux talents. Elle s’est récemment rendue en Ouganda, où elle a découvert un jeune artiste, Paul Ndema, dont nous avons acquis les œuvres pour notre collection. Je suis collectionneur, ce qui m’intéresse donc c’est l’ « africanité », c’est-à-dire la contribution africaine à l’esthétique mondiale. Origines, couleurs de peau, nationalités, tout cela ne m’intéresse pas. C’est hors-sujet dans ma collection. C’est pourquoi j’ai intégré Warhol et Basquiat dans l’exposition Luanda Pop et demandé à mon ami, l’artiste espagnol Miquel Barceló, d’inaugurer avec moi le pavillon africain de la Biennale de Venise. L’approche consistant à ne collectionner que des artistes noirs ou originaires de certaines régions est pour moi anti-artistique et transforme une collection en une accumulation anecdotique d’objets. Les œuvres deviennent un cabinet de curiosités et tuent l’élégance et la pertinence du point de vue, pour en faire une classification dépourvue d’intelligence.
La véritable valeur ajoutée d’une collection d’art africain est d’initier le public africain à sa propre création contemporaine. C’est une responsabilité morale et politique et tout doit être fait pour que notre continent soit davantage intégré dans les circuits du monde de l’art. C’est pourquoi j’ai décidé très tôt que ma collection serait toujours disponible gratuitement pour tout musée dans le monde souhaitant organiser une exposition. Toutefois, j’ai une exigence : le musée a l’obligation d’organiser aussi la même exposition dans un pays africain de son choix. Nous ne pouvons pas nous résigner à priver les Africains de l’art africain au prétexte que notre continent est encore pauvre et doive concentrer ses ressources sur ses besoins vitaux. »

« La véritable valeur ajoutée d’une collection d’art africain est d’initier le public africain à sa propre création contemporaine ». Sindika Dokolo

Malick Sidibé, Soirée des Frangins,1966 © Malick Sidibé

Malick Sidibé, Soirée des Frangins, 1966 © Malick Sidibé