La Statuaire Fang
Groupe culturel important de l’Afrique centrale et de l’ouest, les Fang forment une part de la population du Gabon, de la Guinée équatoriale et du Cameroun.
Leur statuaire en bois monumentale, anthropomorphique et rituelle présente une esthétique admirée dès la fin du XIXe siècle par les artistes modernes dont Pablo Picasso, Georges Braque ou encore André Derain sont sans aucun doute les plus célèbres représentants.
Si l’on retrouve l’utilisation de mêmes matériaux (bois, bambou, fibres végétales, éléments de métal à décor gravé) et une certaine unité stylistique dans les sculptures Fang, il faut néanmoins identifier des tendances géographiques dont les différences peuvent être estompées par des variantes locales. Ainsi, distinguons le style des Fang du nord de celui des Fang du sud.
Fang du nord : Ngumba et Ntumu
La sculpture longiforme, dont la verticalité est renforcée par un tronc cylindrique, est sans doute la première singularité de ce groupe. Les bras souvent grêles mais musculeux se détachent du buste au nombril proéminent. Les sculpteurs Ngumba font des têtes sculptées sous forme d’un gros crâne sphérique au front bombé et au visage creux. Éveillé par de grands yeux circulaires ou en losange et aux pupilles en verre étamé, le sujet ouvre une bouche ovale ou rectangulaire, dont les lèvres s’étirent en avant, découvrant des dents pointues.
La sculpture Ntumu préfère un crâne tout rond dévoilant un visage incurvé en cœur. Il semble faire la moue : les lèvres fines et étirées y sont pour beaucoup.
Les incrustations métalliques symbolisant des scarifications ainsi que la stylisation des détails anatomiques sont communes. Tout comme ces disproportions qui ne sont pas anodines, traduisant des symboliques fortes. La tête est le siège de la vitalité, le nombril le lien des générations entre elles, les mains convoquent le profond respect des âmes défuntes.
Souvent utilisés comme reliquaire dit byeri et mesurant entre 30 et 50 cm, ces sculptures contiennent parfois des dents.
Fang du sud : l’admirable classicisme betsi
Répondant à une structure massive dessinant trois principaux volumes (la tête, le tronc et les jambes), la sculpture anthropomorphe des Fang du sud se distingue notamment par une patine toujours très noire recouvrant un bois clair. L’ethnologue Louis Perrois offre certainement la meilleure synthèse de cet art classique africain, observant que la manière betsi combine superbement « la générosité des chairs » à « un dépouillement absolu des surfaces ».
Incarnation saisissante de grâce et de puissance, la Vénus noire (Fondation Dapper, Paris) soutient paisiblement sa tête imposante, couronnée d’une coiffe soigneusement tressée. Elle incarne toute la force des ancêtres dont elle est l’expression.
Héritières de la même qualité esthétique, les têtes seules sont également une représentation symbolique des ancêtres. Plus rares que les sculptures en pied, elles empruntent les mêmes caractéristiques stylistiques si ce n’est qu’elles sont conçues pour être vues de face : le visage en ronde bosse dissimule un fond plat.
Toujours, les visages de la statuaire des Fang du sud répondent à des canons stylistiques d’un bel équilibre : un front bombé en quart de sphère, une face creuse plus ou moins triangulaire formant un cœur et recevant des yeux en grain de café ou enrichis de laiton. Le visage s’incurve au niveau de la bouche, fine et légèrement en avant.
Ce qu’il faut retenir de la statuaire Fang
Il faut privilégier pour la statuaire Fang une approche ethno-morphologique pour discerner les structures formelles, les proportions et les détails. Les données contextuelles, si elles existent, peuvent aider à déterminer la provenance, l’ancienneté et le rôle rituel de la pièce convoitée.
Pour aller plus loin
L’ouvrage de Louis Perrois, La statuaire Fang, Gabon bien que paru en 1972 fait toujours office de livre de référence concernant l’art sculpté de ce groupe culturel.
Louis Perrois et Marta Sierra Delage, The Art of Equatorial Guinea: The Fang Tribes, Rizzoli International Publications, 1991