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hebdomadaire et nos rapports
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Hors d’Afrique
Interview
Jean-Hubert Martin, Conservateur
2014 a marqué le vingt-cinquième anniversaire de « Magiciens de la Terre », exposition unique en son genre qui a formidablement élargi le spectre de l’art contemporain. Qu’est-ce qui a changé dans la carrière des artistes africains dont vous avez présenté les œuvres dans l’exposition ?
L’exposition « Magiciens de la Terre » n’a pas eu le même impact sur les carrières de tous les artistes. Pour certains, rien n’a changé : ils ont continué à réaliser des œuvres pour leur communauté et ont parfois envoyé une pièce à l’étranger ou ont bénéficié d’une exposition dans une galerie étrangère. Pour d’autres, l’exposition a entraîné un changement radical, les propulsant au centre de la scène internationale de l’art contemporain et de son marché intellectuel et financier. Chéri Samba, Frédéric Bruly Bouabré et Bodys Isek Kingelez ont tous fait leur entrée sur le marché de l’art. Ils en ont saisi les règles et se sont adaptés pour en tirer le meilleur parti. D’autres artistes participent ponctuellement à des expositions. Lorsqu’ils sont invités à participer à des expositions, Cyprien Tokoudagba, Sunday Jack Akpan et Esther Mahlangu réalisent des œuvres sur place, préférant produire des œuvres souvent éphémères et percevoir un cachet d’artiste. Twin Seven Seven, Seth Kane Kwei, Paa Joe, Seyni Awa Camara et Henry Munyaradzi ont continué à vendre dans leurs réseaux habituels, en dehors du réseau prescripteur des grandes galeries d’art internationales. Pour d’autres comme Agbagli Kossi, John Fundi ou les fabricants de masques Dossou Amidou et Chief Mark Unya, l’exposition n’a pas semblé influencer leur activité.
Comment décririez-vous l’impact des grandes expositions muséales sur la carrière des artistes et leurs marchés ?
Cela dépend des artistes eux-mêmes. Faire partie d’une exposition internationale n’est qu’un tremplin que les artistes peuvent utiliser pour développer une stratégie de communication et de marketing. Tous les artistes ne veulent pas ou n’ont pas la volonté intellectuelle de le faire. L’entrée sur le marché international demande de l’énergie, de l’ambition et une bonne compréhension des stratégies médiatiques et commerciales, sans compter les déplacements fastidieux pour assister aux manifestations artistiques. Chéri Samba, Frédéric Bruly Bouabré et Bodys Isek Kingelez ont profité du marché de l’art et ont acquis une reconnaissance internationale.
« Faire partie d’une exposition internationale internationale n’est qu’un tremplin que les artistes peuvent utiliser pour développer une stratégie de communication et de marketing . Tous les artistes n’ont pas l’envie ou l’inclination intellectuelle de le faire ».
Jean-Hubert Martin
A votre avis, qu’est-ce qui distingue l’art moderne et contemporain africain des autres scènes artistiques ?
La principale différence entre la scène artistique africaine et les autres scènes émergentes c’est l’économie. Le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine voient tous un intérêt croissant pour leurs scènes artistiques nationales et les collectionneurs de ces pays soutiennent leur scène artistique locale. Ce n’est pas le cas en Afrique, à l’exception du Maroc, de l’Égypte et l’Afrique du Sud. Par ailleurs, Dak’Art, la Biennale de Dakar au Sénégal, est un événement majeur.
Cependant, les pays occidentaux s’intéressent à l’Afrique. Les médias aiment couvrir un aspect positif de l’Afrique, plutôt que ses catastrophes politiques ou humanitaires. C’est aussi une chance pour les musées hors d’Afrique d’organiser des expositions qui ne dépendent pas du marché de l’art dominant et qui peuvent intéresser le public.
Avez-vous remarqué des changements dans la scène de l’art contemporain en Afrique au cours des dernières années ?
Grâce à l’internet, la scène artistique africaine a radicalement changé ces dernières années. De plus en plus d’artistes s’attaquent à des thèmes sociaux à travers la photographie, la vidéo et l’art de l’installation, en empruntant les méthodes et processus des artistes occidentaux. De cette façon, ils entrent dans un moule existant. Ils répondent à la demande du marché, ainsi qu’à la tendance intellectuelle des conservateurs qui veulent inclure des artistes dans leurs expositions. Ce jeu de l’offre et de la demande exclut encore de nombreux artistes qui travaillent pour leurs communautés et qui ne se soucient pas du système artistique et de ses réseaux. Un jour, cet aspect de la réalité devra être pris en compte mais pour rencontrer ces artistes, il faut voyager, parfois dans des dans des conditions inconfortables, prendre le temps et surmonter les préjugés du le milieu de l’art contemporain.
Qu’est-ce qui contribue à promouvoir l’art moderne et l’art moderne et contemporain africain ?
Voyager en Afrique afin de rencontrer le plus d’artistes possible, les aider à entrer sur le marché de l’art si qu’ils le souhaitent, et sinon ne pas les forcer ; organiser des expositions en Afrique qui attirent suffisamment l’attention des médias, tant en Afrique que dans les pays occidentaux ; et contribuer à construire des scènes artistiques en Afrique qui fourniront un contexte et une infrastructure en soutien des artistes locaux.
La principale différence entre la scène artistique africaine et les autres scènes émergentes c’est l’économie. Grâce à l’internet, la
scène artistique a radicalement changé au cours des dernières années».
Jean-Hubert Martin
Quelles sont vos attentes culturelles pour les pays africains à l’avenir ?
La possibilité de développer une scène artistique scène artistique qui ne sera pas coulée sur le modèle du monde occidental, mais qui démontrera les spécificités et le l’unicité de l’Afrique, principalement dédiée au public africain.
Interview
Alistair Hicksart, Conseiller en art, Deutsche Bank
Basé à Londres, Alistair Hicks est conseiller artistique de la Deutsche Bank et conservateur de la collection d’art de la banque. C’est l’auteur de The Global Art Compass : New Directions in 21st- Century Art (Thames & Hudson, 2014) et Art Works : British and German Contemporary 1960- 2000 (Merrell Publishers, 2000).
« La plupart des artistes que nous avons dans collection de la Deutsche Bank parle de briser les frontières et d’offrir de nouveaux horizons. Ils ouvrent de nouvelles perspectives sur ce qui se passe plutôt que d’adopter une perspective nationaliste. C’est pourquoi je n’aime pas parler de divisions régionales du marché international de l’art.
Cela dit, je pense que le continent africain est une région du monde qui a besoin de plus d’attention, parce que les gens s’y intéressent vraiment et les choses vont certainement se passer de plus en plus là-bas. On ressent une énorme excitation au Nigeria. C’est là où les choses changent que l’art devient intéressant.
Je parle aux clients de la Deutsche Bank d’artistes du monde entier. Nous conseillons plusieurs collectionneurs du continent africain ainsi que des collectionneurs d’ailleurs qui s’intéressent à l’art contemporain africain.
Je suis en contact avec des galeries en Afrique, mais je cherche à établir des relations plus vastes. Ma conviction est que l’art est synonyme de changement. Au cours des cinq à dix dernières années, je me suis intéressé à l’art contemporain africain bien plus qu’auparavant. Cela ne reflète pas seulement une tendance du marché. C’est aussi également un intérêt spécifique que j’ai développé parce que j’ai écrit le livre « The Global Art Compass : New Directions in 21st-Century Art », et nous, à la Deutsche Bank, faisons une enquête en vue de renommer les étages du siège du groupe de la banque en leur donnant le nom d’artistes du monde entier.
Nous avons baptisé des étages du nom de Wangechi Mutu, Samuel Fosso, Zwelethu Mthethwa, Zohra Bensemra et Yto Barrada. Dans le cadre de Deutsche Guggenheim, un programme d’expositions organisées en étroite collaboration avec le musée Guggenheim de 2007 à 2012, nous avons réalisé deux grandes expositions avec Julie Mehretu (octobre 2009-janvier 2010) et Wangechi Mutu (avril-juin 2010). Plus récemment, nous avons acheté les œuvres de Kader Attia. Je m’intéresse également au travail de Marcia Kure.
« Je pense que le continent africain est une région du monde qui a besoin plus d’attention, car les gens s’y s’y intéressent vraiment et il se passera certainement beaucoup plus de choses là-bas. »
Alistair Hicks
Je ne voudrais pas faire de grandes déclarations généralisantes sur l’art contemporain africain, mais l’on observe certaines tendances. Le sentiment d’identité est fascinant pour moi et la façon dont le soi n’est pas toujours trahi dans cette sorte d’idée cartésienne de l’ego, comme dans les cultures occidentales égocentriques. C’est un sens différent du soi que je vois dans pas mal d’artistes d’Afrique. Mais c’est mon point de vue d’outsider. Ce que j’aime, c’est cette sorte d’énergie, l’énergie qui se produit dans différents endroits d’Afrique.»
Interview
Christopher Spring, Conservateur au British Museum, GB, spécialiste de l’Afrique de Nord-est, de l’Est et du Sud
Christopher Spring est le conservateur les galeries africaines Sainsbury du département de l’Afrique, de l’Océanie l’Océanie et des Amériques (AOA) au British Museum, à Londres. Il est spécialiste de l’art contemporain, les textiles, armes et armures, et de la région de l’Afrique orientale et australe. Parmi ses publications récentes, citons Angaza Afrika : «African Art Now» (2008), African Art in Detail (2009), African Textiles Today (2012), et Textiles Today» (2012), et Art, Afrique : Changing the Picture « (2016 en préparation).
« La collection du département d’Afrique, d’Océanie et des Amériques comprend environ 350 000 objets, représentant les cultures des peuples autochtones de quatre continents. Il existe environ 300 œuvres individuelles qui sont décrites comme de l’art contemporain dans la base de données de la collection.
Nous ne collectons pas de manière générale dans le domaine de l’art contemporain la manière dont un musée comme la Tate Modern pourrait, en théorie, tenter de le faire. Nous essayons plutôt d’acquérir le travail d’artistes d’origine africaine, inspirés, informés, ou qui commentent simplement les traditions culturelles africaines, et dont le travail peut éclairer et être éclairé par les œuvres d’art historiques de nos collections.
Actuellement, des œuvres remarquables de plus de 20 artistes contemporains d’origine africaine se trouvent dans les galeries africaines, qui médiatisent les expositions et permettent à la voix du conservateur de s’effacer à l’arrière-plan. Ces œuvres représentent à la fois les voix indépendantes d’artistes individuels, mais aussi de dynamiques porte-drapeaux contemporains de traditions bien établies qui étaient autrefois représentées dans les musées comme figées dans le temps, plutôt que comme des traditions vivantes avec un présent vibrant et une longue histoire. Actuellement, on trouve dans les galeries africaines des œuvres des artistes suivants : Ann Gollifer, Peterson Kamwathi, Magdalene Odundo, Susan Hefuna, El Anatsui, Cristovao Canhavato (Kester), Sokari Douglas Camp, Mohamedi Charinda, Gérard Quenum, Fieldos Santos, Taslim Martin, George Lilanga, Rachid Koraïchi, Khaled Ben Sliman, Robino Ntila.
Actuellement, aucun fonds n’est spécifiquement alloué à l’acquisition d’art africain contemporain. Nous nous adressons plutôt à des organismes de financement individuels comme le Fonds pour l’art lorsque nous souhaitons acquérir de nouvelles œuvres.
En outre, les artistes suivants ont été exposés dans les galeries africaines ou ailleurs au British Museum, ou encore, leurs œuvres ont été prêtées à d’autres musées et galeries dans le monde entier : Romuald Hazoumé (exposition itinérante « La Bouche du Roi »), Atta Kwami, Nja Mahdaoui, Georgia Papageorge, Osi Audu, Chant Avedissian, Raimi Gbadamosi, Ibrahim el-Salahi, Owusu-Ankomah, Mohamed Bushara, Chéri Samba.
La scène artistique contemporaine en Afrique et dans l’ « Afrique globale » est florissante, et bien qu’il soit encore plus facile de créer et vendre des œuvres dans certaines parties d’Afrique que dans d’autres, il existe aujourd’hui une scène contemporaine – vivante et en pleine expansion dans la plupart des pays africains . En dehors de l’Afrique, l’appétit pour l’art contemporain se développe rapidement. De nouvelles galeries ouvrent sans cesse (certainement à Londres). La foire d’art africain contemporain 1:54 aura sa troisième édition en octobre 2015. Trois artistes d’origine africaine ont exposé à la Tate Modern en 2013 et une œuvre d’El
Anatsui a été drapée au-dessus de la façade de la Royal Academy of Arts cet été.
Quand on lui demande ce qui, à son avis, distingue l’art moderne et contemporain africain des autres scènes artistiques, Christopher Spring répond, « C’est une question énorme, je serai donc je serai bref : Humour, humanité et total manque d’ironie. »
Interview
Giles Peppiatt, Directeur d’Art Africain, Bonhams
Giles Peppiatt est Directeur d’Art Africain à Bonhams.
« Depuis six ans, nous organisons régulièrement des enchères publiques dans cette catégorie. Nous sommes le leader du marché, nos adjudications sont les plus rentables au monde et nous avons établi presque tous les records mondiaux de vente aux enchères pour de nombreux artistes africains modernes et contemporains.
« Même si je pense que cette croissance se fera sur le long terme, les spéculations vont bon train sur le fait que ce marché est le « prochain grand marché de croissance ».
Giles Peppiatt
J’ai constaté une croissance, mais je suis heureux qu’elle soit actuellement bien ancrée chez les véritables collectionneurs plutôt que chez les spéculateurs. D’où ma prédiction d’une croissance à plus long terme.
« Je suis convaincu que le Nigeria est en train de devenir une locomotive artistique en Africa.”
Giles Peppiatt
La plus grande menace serait que le marché de l’art contemporain africain devienne l’objet de spéculations comme l’est devenu l’art contemporain chinois. Nous avons constaté une baisse significative des valeurs sur ce marché, car les spéculateurs se sont retirés.
Je suis convaincu que le Nigeria est en train de devenir une locomotive artistique en Afrique. Il a encore du chemin à faire pour égaler l’Afrique du Sud, certainement en établissant un réseau de marchands/galeries fort et dynamique.
Les événements les plus importants de 2015 sont la Biennale de Venise début mai, la vente aux enchères Africa Now de Bonhams qui s’est tenue à Londres fin mai et la 1:54 Contemporary African Art Fair qui s’est tenue à Londres en octobre.
Il est vrai que le volume des transactions sur le marché de l’art contemporain africain est encore bien inférieur à celui d’autres marchés émergents, notamment le Moyen-Orient, l’Amérique latine et la Chine. Mais la tendance va dans la bonne direction. Je pense que d’ici dix ans, le marché concurrencera fortement ces autres régions.
Le marché de l’art contemporain africain dans les pays occidentaux va continuer à se développer au cours des prochaines décennies. Nous assistons à la création de nouvelles galeries d’art africain contemporain à Londres et à la mise en place d’autres enchères publiques. Mais je pense que cela prendra du temps ».
Interview
Kenneth Montague, collectionneur, Canada
J’ai commencé à collectionner sérieusement en 1997 ; mon principal intérêt était la photographie africaine contemporaine. Au fil du temps, la collection s’est élargie pour inclure la peinture, la sculpture et le design. Au départ, j’ai acquis des œuvres provenant de lieux où les archives de la photographie africaine historique avaient été reconnues, documentées et célébrées pour la première fois : Bamako (Seydou Keïta, Malick Sidibé), Lagos (J.D. ‘Okhai Ojeikere) et Johannesburg (Jürgen Schadeberg, David Goldblatt). Grâce à mes recherches et à mon exposition à la myriade d’histoires de l’art, ma collection reflète désormais une sélection plus diversifiée d’œuvres d’Afrique et de la diaspora. Aujourd’hui, je possède plus de 300 œuvres de nombreux artistes.
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont exposé à la puissance de l’art dès mon enfance. J’ai passé de nombreux week-ends au Detroit Institute of Arts (sur l’autre rive du fleuve où je suis né, au sud du Canada), où j’ai vu pour la première fois les photographies de la Renaissance de Harlem par l’icône afro-américaine James Van Der Zee. Adolescent, je me suis porté volontaire comme guide touristique au North American Black Historical Museum, où j’ai appris à connaître l’héritage compliqué de l’esclavage dans les Amériques et les histoires de l’Atlantique Noir. Tout cela m’a conduit à développer un intérêt passionné pour l’histoire africaine et, en fin de compte, pour l’art contemporain.
Ma toute première acquisition fut un cadeau de ma tante, militante des droits civiques à New York. Elle s’était liée d’amitié avec Alexander Calder et, en 1975, lui a commandé une série de gravures pour célébrer le 25e anniversaire de son organisation, le National Emergency Civil Liberties Committee. Our Unfinished Revolution était l’une des dernières œuvres achevées de Calder, et ma tante m’a offert sa série complète lorsque j’ai obtenu mon diplôme universitaire ; cela a donné l’impulsion à mon activité de collectionneur par la suite.
On me demande souvent de prêter des œuvres importantes de la Wedge Collection pour des expositions internationales dans de grandes institutions, notamment le Studio Museum à Harlem (œuvres de Lynette Yiadom-Boakye), le Nasher Museum of Art (œuvres de Barkley L. Hendricks), le Frist Center for the Visual Arts (œuvres de Carrie Mae Weems) et le Musée des beaux-arts de l’Ontario (œuvres de Mickalene Thomas). J’aime aussi créer des expositions à partir d’œuvres existantes dans ma collection. Parmi ces expositions, citons ‘Head Rooms’, sur les cheveux en tant que symbole de l’identité noire, ‘Becoming’, sur l’histoire du portrait noir, ‘Always Moving Forward’, sur la photographie africaine contemporaine, et ‘Position As Desired’, exploration de l’identité afro-canadienne.
Dans la mesure du possible, je rencontre les artistes dont je collectionne les œuvres. La rencontre avec l’artiste ajoute une dimension humaine importante, et j’apprends toujours quelque chose de nouveau sur la signification de l’œuvre. Je suis devenu un ami proche de plusieurs des artistes de ma collection».
Interview
Robert Devereux, Collectionneur, UK
Robert Devereux est président du comité d’acquisition africain de la Tate et l’un des fondateurs de l’African Arts Trust. En 2010, il a vendu les deux tiers de sa collection d’art britannique d’après-guerre à l’African Arts Trust, encaissant ainsi 4,73m£.
« J’ai commencé à collectionner de l’art au début des années 1980. Après avoir collectionné l’art britannique d’après-guerre, je me suis concentré sur l’art contemporain africain, avec un intérêt particulier pour les artistes émergents. J’ai découvert la scène artistique africaine lors de mes voyages dans toute l’Afrique, il y a 15 ans. Ma collection, qui compte aujourd’hui 800 œuvres, est très éclectique. Mon processus de sélection est intuitif, je n’achète une œuvre que si je l’aime. J’ai des œuvres de toute l’Afrique, avec un léger penchant pour l’Afrique de l’Est et du Sud, car c’est là que je passe la plus grande partie de mon temps.
Par l’intermédiaire de l’African Arts Trust, que j’ai créé en 2010, j’ai décidé de soutenir les organisations artistiques locales qui offrent aux artistes locaux les moyens pratiques de devenir des artistes professionnels à plein temps – avec ateliers, ressources plus importantes et meilleure visibilité. Nous avons récemment soutenu l’organisation à but non lucratif Kuona Trust Centre for Visual Arts au Kenya et 32° East Uganda Arts Interview Robert Devereux collector, UK Trust, entre autres. J’aime rencontrer les artistes dont j’ai acheté les œuvres, pour établir une relation. Acheter de l’art ne se résume pas en soi à acquérir des objets ».
Interview
Gervanne and Matthias Leridon, collectionneurs, France
Gervanne et Matthias Leridon collectionnent l’art contemporain africain depuis 2000. Matthias Leridon est président de Tilder, société de conseil en communication. Son épouse, ancienne commissaire-priseur, gère aujourd’hui le fonds de dotation du couple, African Artists for Development (AAD), qui soutient des projets de développement communautaire en Afrique, associés à des œuvres d’artistes africains contemporains.
Je dirais que le début de notre aventure au cœur de l’art contemporain africain remonte à l’exposition « Magiciens de la Terre ». Cette exposition fut pour moi une révélation artistique à l’image de ma rencontre avec le continent à l’âge de 12 ans. Notre penchant s’est ensuite développé au fil de nombreux voyages en Afrique et de rencontres avec l’art contemporain sur place.
Nous avons commencé à acheter régulièrement des œuvres d’art dans les années 2000, sans avoir encore pris la décision de constituer réellement une collection. L’un des premiers tableaux importants que nous avons acquis est L’Espoir Fait Vivre (1989) de Chéri Samba. Cette pièce emblématique est l’« acte de naissance » de notre collection.
Aujourd’hui, notre collection compte environ 3000 œuvres, dont des pièces de Frédéric Bruly Bouabré, Chéri Chérin, David Goldblatt, Pieter Hugo, Abdoulaye Konaté, George Lilanga, Gonçalo Mabunda, Hassan Musa, Guy Tillim et Dominique Zinkpè.
Nous nous intéressons à de nombreuses formes d’art, en Afrique et ailleurs. Lorsqu’elle était commissaire-priseur, ma femme s’est spécialisée dans l’art contemporain. J’étais fasciné par Alechinsky et j’ai eu la chance de posséder certaines de ses pièces majeures. Je suis également très attaché à l’art de Richard Texier, un grand artiste français qui est étrangement plus connu à l’étranger qu’en France.
« L’art contemporain au sens large m’intéresse. Pour moi, c’est une vision globale de la vie où l’art s’épanouit ».
Matthias Leridon
« L’art contemporain au sens large m’intéresse. Pour moi, c’est une vision globale de la vie où l’art s’épanouit.
C’est pourquoi je me suis toujours intéressé au design et à la chorégraphie contemporaine ».
Bien que je recherche souvent les designers africains, j’aime l’optimisme créatif et magique des frères Campana du Brésil. Il est temps de relier l’art contemporain issu d’Amérique latine et d’Afrique.
Pour notre collection, nous nous concentrons sur les artistes d’Afrique sub-saharienne. Nous achetons en suivant notre cœur plutôt que notre tête.
Une œuvre d’art peut nous séduire tous les deux instantanément, mais dans la plupart des cas, nous ne partageons pas immédiatement le même point de vue. Les conversations qui en résultent où nous discutons pour savoir si nous devons ajouter telle ou telle œuvre d’art à notre collection restent des souvenirs intenses et passionnés. Nous voulons vivre avec des pièces que nous aimons. Notre collection ne se veut pas exhaustive, elle est le témoin de rencontres humaines, d’émotions artistiques et d’expériences. A travers ces œuvres, nous recherchons la vision des artistes sur leur continent et l’avenir du monde, ainsi que leur apport esthétique.
Nous avons déjà prêté nos œuvres aux musées ou aux centres d’art qui en ont fait la demande, pour autant que leur projet ait été significatif pour l’artiste. Les œuvres d’art sont censées s’adresser à un public populaire. Nous aimerions que notre collection soit plus visible et nous réfléchissons à un projet à grande échelle qui ferait sens entre l’Europe et l’Afrique. Nous connaissons la plupart des artistes de notre collection. Les rencontrer est un moyen pour nous de mieux comprendre leurs œuvres et leurs personnalités. Ce que nous apprécions avant tout, c’est la relation entre l’artiste et son œuvre. Une œuvre d’art apparaît toujours plus complexe, plus riche et plus gaie lorsque son auteur la décrit.
Focus
David Adjaye, architecte, Royaume-Uni
L’architecte ghanéen-britannique David Adjaye est né à Dar es Salam, en Tanzanie, en 1966. Il vit à Londres depuis l’âge de 9 ans et a obtenu une maîtrise au Royal College of Art en 1993. Il a créé son premier studio d’architecture avec William Russel, avant de fonder son propre cabinet ‘Adjaye Associates’ en 2000. Parmi ses projets, citons l’Ecole de Gestion de Moscou (2010), le Cape Coast Museum of Slavery (en cours), la boutique Roksanda Ilincic à Londres (2014), la Fondation Aïshti à Beyrouth (en cours), une collaboration avec l’artiste Doug Aitken (The Source, Tate Liverpool, 2013), la conception de l’espace pour l’exposition All the World’s Futures (Biennale de Venise, 2015) et la conception du mobilier Double Zero (Moroso Collection, 2015). En 2009, son cabinet a été l’un des quatre sélectionnés pour concevoir le Smithsonian National Museum of African American History and Culture, d’une valeur de 500 m$, dont l’ouverture est prévue à Washington en 2016. Adjaye Associates a également été choisi pour concevoir le nouveau Studio Museum de Harlem, un projet de 120m$ qui fera plus que doubler l’espace du musée (achèvement prévu en 2019). David Adjaye est actuellement professeur invité à Yale.
Focus
Franck Houndégla, scénographe, France
Franck Houndégla, designer basé à Paris, est spécialiste de la conception d’expositions, la scénographie et la mise en valeur d’espaces publics et de sites patrimoniaux.
Il enseigne l’art, le design, l’architecture et le patrimoine culturel, et mène des recherches sur l’évolution des formes architecturales et urbaines dans les villes africaines contemporaines.
Ses projets ont été exposés en Europe occidentale et orientale, en Afrique (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Tchad, RDC, Égypte, Guinée, Kenya, Mali, Maroc, Afrique du Sud et Tunisie), au Moyen-Orient, aux États-Unis et aux Antilles.
Parmi ses projets récents, citons ‘Liaisons Urbaines’, programme réhabilitation et de transformation des espaces publics dans trois villes africaines (Porto-Novo, Ndjamena et Casablanca) de 2012 à 2015, la conception de l’exposition ‘African Odysseys’ (The Brass, Bruxelles) en 2015, pour ‘Brueghel, Cranach, Titien, van Eyck. Trésors de la collection Brukenthal‘ (Villa Vauban, Luxembourg) en 2011, et pour la 9e Biennale de la photographie de Bamako en 2011, sans oublier la conception de dispositifs scéniques pour deux pièces de Philippe Minyana en 2010-2012.