Objets ancestraux qui structurent la société
Tradition répandue sur l’ensemble du continent africain, les poupées de fertilité incarnent l’avenir d’une société. Elles portent la promesse d’une perpétuation de son histoire, de ses traditions et de ses codes esthétiques sous des formes artistiques soignées.
Poupées de fertilité : du jeu à la magie
L’organisation sociale des sociétés africaines accorde une importance prépondérante à la famille même si les mutations socio-économiques actuelles mettent à mal, comme partout, cette conception pourtant bien ancrée. On lit ainsi dans les objets d’art africains et l’art classique africain les facettes des fondations culturelles des sociétés. Parmi elles, l’importance de la lignée, patriarcale ou matriarcale, apparaît comme la colonne vertébrale d’une communauté. L’enfant à naître incarne la pérennité d’un groupe et la transmission de ses valeurs. En ce sens, chaque individu est le maillon d’une famille, d’un groupe structuré et possède des ancêtres qui tous l’engagent à perpétuer sa lignée.
La callipédie, qui peut se comprendre comme l’art de faire de beaux enfants, joue un rôle fondamental dans la création d’objets qui favoriseront la venue au monde de cette belle progéniture, suffisamment forte pour grandir en bonne santé et garantir la sécurité du groupe, lui assurer une certaine forme de puissance ainsi que la protection des parents une fois ceux-ci devenus vieux. Ce désir universel des beaux enfants s’exprime dans plusieurs sociétés africaines par la création d’objets incarnant cet idéal. De fait, les poupées de fértilité, ces objets imprégnés de vertus magiques sont les plus à même de favoriser la fécondité des jeunes femmes.
Partout dans le monde, les poupées sont généralement destinées à l’usage des fillettes et servent à leur inculquer les attentes de leur société dans leur rôle de future mère. Ces poupées portent également les principales caractéristiques des canons de beauté en vigueur ; c’est également un trait remarquable des poupées de fertilité. À une différence près pourtant : en Afrique, les poupées sont plus rarement des jouets que des objets magiques utilisés par les femmes en âge de procréer.
Les différentes catégories de poupées de fertilités
Les Akua’ba du Ghana, si elles sont sans doute les plus célèbres ne sont pas les seules. Chez les Attiés de Côte d’Ivoire, les formes sont rondes, bien ancrées dans le sol et mettent en avant les attributs féminins. Au Tchad, les Baguirmi sculptent des poupées à tête ronde, aux seins coniques, aux moignons de bras et sans jambe mais soclées. Les Domayo ou Namchi du Cameroun ornent les leurs de colliers de perles lorsqu’elles servent d’amulettes ; sans collier, elles sont de simples jouets. Chez les Ntwane ou chez les Ngwato d’Afrique du sud, les poupées sont faites de fibres végétales tressées, de cuir, de perles et emploient à l’occasion des calebasses. Au Burkina Faso, les poupées mossi sont de surprenantes sculptures aux lignes claires et étonnement modernes.
On trouve en Afrique presque autant de poupées de fertilité qu’on compte de grands groupes culturels. L’amateur d’art classique africain peut ainsi enrichir ses connaissances sur ce sujet qui ouvre des portes sur la richesse et la vitalité de la création artistique africaine.
Pour aller plus loin :
Herbert M. Cole, Maternité – Mère Et Enfants Dans Les Arts D’afrique, Éditions Fonds Mercator, 2017