Analyse de la poupée Akwa’ba
Akua’ba : la recherche d’une esthétique parfaite
Sobrement formée d’un large disque couronnant un corps schématique seulement pourvu de bras, la statuette saisit par la pureté et l’élégance de ses lignes. Dessinant cette tête parfaite aux traits symétriques, les yeux, les sourcils, le nez et la bouche sont nets, le port altier surmontant un cou annelé et souvent allongé. Les bras stylisés s’ouvrent de chaque côté, prêts à enlacer celle qui porte dans son dos, comme on le ferait d’un bébé, cette poupée de fertilité. Car il s’agit bien d’une amulette, et son usage intègre les normes d’une société matrilinéaire où la puissance féminine s’exprime dans la grossesse et l’accouchement. Il faut donc que la poupée Akua’ba porte les attributs de la féminité, car chez les Ashanti, lignage et la transmission se reconnaissent par la mère.
Celle qui souffre de ne pas avoir d’enfant aussi bien que celle enceinte sont toutes deux à même de porter sur elles ces statuettes que l’okomfo (prêtre guérisseur) prescrit à l’une pour favoriser la fertilité, et à l’autre pour que l’enfant à naître soit beau. Cet usage – quotidien pendant plusieurs mois – détermine l’aspect plat des Akua’ba aussi bien que leur taille d’une vingtaine de centimètres en moyenne qui permet de les glisser facilement dans les plis du vêtement. Généralement, ces statuettes de fertilité sont sculptées en osese, un bois dur et noir, que l’artisan prend soin de polir. À noter que la présence de jambes sur les Akua’ba semble être un ajout récent du XXe siècle ; s’écartant du canon esthétique traditionnel, il fait figure de rareté.
La légende des Akua’ba
Le mythe fondateur de ces poupées de fertilité connaît, comme tous les mythes, quelques variations mais relate toujours l’histoire d’une jeune femme prénommée Akua, désemparée de ne pas tomber enceinte. Sans autre espoir, elle se rend dans un temple pour y implorer l’aide d’un obosom (une divinité) et y rencontre un okomfo. Ce dernier l’engage à se faire sculpter une poupée. Une fois fait, le prêtre ritualisa l’objet et le confia à Akua qui devait en prendre soin et le porter sur elle comme toute mère le ferait ordinairement de son enfant. Moquée par sa communauté, Akua passa outre les méchancetés et suivit les recommandations de l’okomfo. Quelques mois plus tard, elle donna naissance à un enfant, ba, une fillette d’une si grande beauté qu’elle fit regretter à tous les quolibets. L’enfant d’Akua, Akua’ba, initia la tradition des poupées de fertilité. Toutes les femmes désireuses d’enfants ou souhaitant favoriser la beauté des nouveaux-nés se mirent à en porter.
On ne peut nier le lien qui unit ces poupées à la recherche de beauté autant qu’à celle de fertilité. Ces spécificités qui caractérisent la beauté dans la culture ashanti se lisent déjà sur les Akua’ba. La tête ronde au crâne légèrement aplati évoque les massages des os mous des nourrissons pour leur imprimer cette rondeur esthétique, évocation de perfection. Les petites scarifications sous les yeux protègent des convulsions. Le cou annelé représente les bourrelets de bonne santé, de beauté et de prospérité. Autant de traits qui garantiront une lignée belle et forte, transmise de manière matrilinéaire et dont on espère qu’elle imprègnera la statuette en bois, l’Akua’ba.
Pour aller plus loin :
Ron van Doorn et Herbert M. Cole, Akua’ba Asante, Wednesday Child, Akuaron, 2021
Robert Sutherland Rattray, Religion & Art in Ashanti, Clarendon Press, Oxford, 1927