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La Nouvelle Scène Congolaise Redéfinit le Paysage Artistique et les Prix

museum rietberg fiktion kongo sans titre blackout poetry ideas genealogy ©david shongo 2019

par Anna Sansom, journaliste.

La République démocratique du Congo est renommée pour la Peinture populaire de Chéri Samba, Moké et Chéri Chérin, ainsi que pour les villes imaginaires du sculpteur Bodys Isek Kingelez. Ces artistes ont émergé sous la présidence de Mobutu Sese Seko dans les années qui ont suivi l’indépendance. Aujourd’hui, la nouvelle génération se penche sur l’histoire postcoloniale du pays, la fragilité de sa situation géopolitique et l’exploitation de ses ressources naturelles.

Des œuvres d’artistes de différentes époques ont été rassemblées dans les expositions « Beauté Congo – 1926-2015 – Congo Kitoko » à la Fondation Cartier, à Paris, en 2015, et « Fiction Congo » au Museum Rietberg de Zurich, en 2019-2020.

La volonté des jeunes artistes de briser le statu quo s’est manifestée lors de Yango II, la deuxième édition de la Biennale de Kinshasa, aux mois de juillet à août 2022. Cette manifestation fut fondée en 2014 par Kiripi Katembo, peintre, vidéaste et photographe décédé prématurément d’un paludisme cérébral en 2015, à l’âge de 36 ans.

Organisée par l’historien de l’art marseillais Alonso Gómez et la philosophe franco-congolaise Nadia Yala Kisukidi, Yango II s’est déroulée dans plusieurs lieux de la capitale de la RDC. Son titre, « Tokozela lobi te [Nous n’attendrons pas demain] », mettait l’accent sur le désir de changement.

« En faisant de Kinshasa une plaque tournante de la scène artistique planétaire, Yango II incite la situation congolaise, à Kinshasa, à résonner et raisonner avec d’autres conditions contemporaines », ont déclaré les curateurs dans un communiqué.

Un exemple : la performance en juillet dernier de l’artiste congolaise Sarah Ndele. Au milieu d’une rue non pavée, elle a déchiré le papier brun qui enveloppait tout son corps. Cet acte était une métaphore de la frustration de l’artiste. Sur Instagram, Sarah Ndele a écrit : « Nous devons sortir de notre zone de confort ! L’heure est venue où nous devons nous extirper de ce carcan afin de faire évoluer le monde, l’Afrique. »

Sarah Ndele a écrit : « Nous devons sortir de notre zone de confort ! L'heure est venue où nous devons nous extirper de ce carcan afin de faire évoluer le monde, l'Afrique. »
Performance de Sarah Ndele

 

Ce cri de ralliement est révélateur de la manière dont la jeune génération d’artistes s’engage dans la société. « Ces jeunes artistes, qui viennent après la génération des peintres populaires, ne sont pas confinés à leurs ateliers mais vont vers le public et soulèvent des questions postcoloniales », nous explique Christophe Person, galeriste parisien.

Parmi cette génération, on trouve Eddy Kamuanga Ilunga, qui explore les changements économiques, politiques et sociétaux de la RDC depuis le colonialisme. Né en 1991, Kamuanga Ilunga a étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa et a cofondé un atelier collectif, M’Pongo, où de jeunes artistes pouvaient montrer leur travail. Depuis sa première exposition personnelle chez October Gallery à Londres en 2016, l’artiste a exposé aux États-Unis ainsi qu’à la Saatchi Gallery et à l’Académie royale des Arts de Londres.

Le sentiment de tristesse présent dans les grands formats de Kamuanga Ilunga fait écho à la perte de la culture et à l’impact du consumérisme. Les personnages, aux airs languissants et désespérés, se trouvent placés sur des arrière-plans monochromatiques vides. Son tableau « Fragile » (2019), d’une mère et sa fille appuyées sur une table, leurs mains sur la tête, s’est vendu pour £119,700 chez Phillips en 2021, dépassant son estimation de £35,000 à £55,000.

Eddy Kamuanga IlungaFragile signed, inscribed and dated 'Eddy KAMUANGA ILUNGA Eddy Kamuanga Ilunga KINSHASA 2019' on the overlap acrylic and oil on canvas 206 x 180 cm (81 1/8 x 70 7/8 in.) Painted in 2019.
Eddy Kamuanga Ilunga
Fragile,2019
signé, annoté et daté  ‘Eddy KAMUANGA ILUNGA  KINSHASA 2019’ 
acrylique et huile sur toile
206 x 180 cm (81 1/8 x 70 7/8 in.)

Hilary Balu, quant à lui, aborde l’histoire coloniale, l’esclavage, la migration et l’influence de la mondialisation sur la société africaine. Il réinterprète les codes des maîtres anciens occidentaux afin de créer des tableaux imaginaires à grande échelle riches en drame et en narratif. Né en 1992, il a également étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa et a récemment effectué une résidence au Black Rock Sénégal, fondé par l’artiste afro-américain Kehinde Wiley. Magnin-A a vendu plusieurs de ses toiles entre 60 000 et 70 000 € à Paris + par Art Basel en octobre 2022. Son travail a aussi été présenté à la foire 1-54 à Marrakech.

Les artistes en RDC embrassent un grand éventail de questions politiques et historiques concernant le continent africain. Dans sa pratique multimédia englobant sculpture, vidéo et installations, Sammy Baloji, basé entre Bruxelles et Lubumbashi, interroge une reconfiguration de l’identité et de la géopolitique africaine. Dans son travail photographique et de vidéo, il porte ainsi un regard sur l’exploitation et le déplacement des gens, ainsi que sur l’extraction minière du cuivre et du cobalt. Son exposition, « K(C)ongo, Fragments de dialogues entrelacés », aux Beaux-Arts de Paris en 2021 questionnait le classement des arts tribaux africains comme des objets ethnographiques. L’artiste a proposé un repositionnement du langage visuel des arts premiers à travers des tableaux abstraits en noir et blanc à base de motifs africains.

La façon dont l’Afrique a été exploitée, en termes de ressources naturelles et d’identités nationales, est également traitée par Sinzo Aanza – le nom d’artiste de Luhindi K. Sinzomene. Par le biais de la photographie et des installations, il parle de la situation politique en RDC et de comment le pays « est depuis toujours aux mains d’investisseurs, étrangers de préférence », selon sa galerie, Imane Fares.

Plusieurs artistes évoquent le chaos de Kinshasa dans leur travail. Ainsi, Houston Maludi capture l’énergie et la densité de la ville dans ses paysages urbains monochromes. De loin, ses tableaux riches en détails et inspirés du cubisme rappellent des peintures abstraites. Son tableau bleu foncé, « Sans titre », datant de 2019, a été vendu pour 28 600 € chez Piasa en mai 2019, deux fois plus que son estimation haute, de 8 000 à 12 000 €. « Il montre les multiples facettes de Kinshasa, ses rues et les profils des personnages », dit Christophe Person du travail de Houston Maludi.

Raymond Tsham Mateng, quant à lui, réfléchit sur la collision entre héritage africain et consumérisme dans des peintures au stylo bille. À travers un langage visuel incorporant des motifs distinctifs, il revisite des figurines africaines sculptées et des statues ancestrales aux côtés d’emblèmes de la culture pop comme Mickey Mouse. D’autres œuvres font allusion à la façon dont l’Occident a tiré avantage de l’esclavage, comme les figures tribales africaines figurant la Tour Eiffel. Son record d’enchères, « Famille endeuillée et vengeance » (2016), a atteint 6 500 € chez Piasa en 2022.

Raymond Tsham (né en 1963, Congo)Famille endeuillée et vengeance, 2016 Stylo bille sur papier Signé, daté et situé "Tsham 2016 Kinshasa RD Congo" en bas à droite 71 x 96 cm
Raymond Tsham (né en 1963, Congo)
Famille endeuillée et vengeance, 2016
Stylo bille sur papier
Signé, daté et situé “Tsham 2016 Kinshasa RD Congo” en bas à droite
71 x 96 cm

De son côté, JP Mika s’évertue à dépeindre une vision moderne, dynamique et joyeuse de l’Afrique dans des tableauxs inspirés de l’indépendance de la RDC et de la vie quotidienne à Kinshasa. Né en 1980 sous le nom de Jean-Paul Nsimba Mika, JP Mika a fait ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa suivies par un apprentissage à l’ARAP, l’Atelier de recherche en art populaire fondé par son mentor Chéri Chérin. En plus des autoportraits, il peint des personnages, tantôt des habitants locaux, tantôt des figures politiques comme l’ancien président américain Barack Obama, toujours souriants, habillés à la mode, sur un fond de flore et de faune ou de décors baroques.

« Dans ma peinture, il n’est pas question d’actualité, il n’y a pas de message politique, pas de critique. Il y a trop de difficultés et de misère dans la vie. C’est pourquoi je veux que vous ressentiez toujours de l’espoir dans mes peintures », déclare-t-il sur le site de la galerie Magnin-A qui propose ses toiles aux alentours de 30 000 €.

Plusieurs artistes utilisent l’humour et l’ironie comme stratégie pour explorer des sujets sociétaux. Par exemple, Willys Kezi exécute sur des sacs en papier des peintures acryliques représentant des femmes modernes voluptueuses, comme si elles étaient vues à travers un regard masculin concupiscent. Dans ses œuvres exposées sur le stand d’Éric Dupont à la foire Drawing Now Paris en mars 2023, les corps féminins incorporent de petits dessins et écritures, comme le symbole de l’euro et des idéogrammes chinois (faisant référence à l’Union européenne et à la Chine exploitant la République démocratique du Congo). Pathy Tshindele injecte, lui aussi, un humour satirique dans des portraits colorés et idiosyncratiques de personnages historiques et militaires, en allusion à la corruption des fonctionnaires.

Parmi les artistes qui travaillent sur l’identité et le paysage, on peut découvrir également la pratique plurimédia de Michèle Magema. Représentée par la galerie Irène Laub à Bruxelles, cette artiste franco-congolaise se distingue par ses performances ainsi que par ses dessins et ses photographies. D’autres se penchent sur les questions sociales, dont les jeunes photographes Raïssa Karama Rwizibuka et Gosette Lubondo. La première capture le quotidien des habitants de sa ville de Bukavu et les injustices et violences auxquelles sont confrontées les femmes en RDC. Elle a été sélectionnée par la Maison européenne de la photographie et la Collection Gervanne et Matthias Leridon pour effectuer une résidence à la Cité internationale des arts, à Paris, en 2022.

Gosette Lubondo, quant à elle, travaille sur la mémoire, les vestiges de l’histoire, les individus et les lieux abandonnés dans ses mises en scène. Elle a été acclamée par la critique pour son projet « Voyage imaginaire I » (2016) – une série de portraits fictifs dans un wagon de train abandonné. Par la suite, Lubondo a été invitée pour une résidence photographique au Musée du quai Branly – Jacques Chirac. Son projet résultant, « Imaginary Trip II », se déroulait dans un ancien internat rural créé par une confrérie chrétienne pendant la période coloniale. L’école est tombée en désuétude après que la confrérie l’a vendue au gouvernement de Mobutu Sese Seko dans les années 1970. Les images de Gosette Lubondo mettent en scène des écoliers fictifs dans un décor fantomatique. Par ce geste, l’artiste interroge le fantasme perdu de l’éducation associé à la génération de ses parents et la complexité du post-colonialisme.

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